Bien que les sites Web des trois sociétés concernées ne le mentionnent pas encore (sauf erreur à la date de rédaction de ce billet), la presse s’est faite l’écho récemment de l’attribution au consortium réunissant Accenture, Logica et HR Access du projet de refonte du système de paye des fonctionnaires civils et militaires de l’Etat.
Vu l’ampleur du dossier(plus de 3 millions de bulletins de paie, un projet de presque dix ans, pour un coût total qui dépassera certainement la centaine de millions d’euros), il est probable que j’y reviendrai à d’autres occasions.
Voici donc quelques remarques pour commencer:
- félicitations aux vainqueurs pour avoir remporté le marché, après une procédure relativement lourde, longue et compliquée de « dialogue compétitif » (vous trouverez ici une définition).
- on aimerait bien savoir sur quels critères s’est faite la décision puisqu’en face d’Accenture-Logica-HR Access on trouvait rien moins qu’IBM-Steria-SAP: a priori la compétence et l’expérience de tous les acteurs impliqués est largement comparable et il faut donc chercher ailleurs les fondements d’un choix aussi délicat. Le prix? Faute d’éléments je ne me prononcerais pas. Les critiques de la Cour des Comptes sur le projet comptabilité piloté par SAP? Possible. La volonté de l’Etat d’opérer une diversification de ses fournisseurs? C’est à mon avis le plus probable: l’Etat ne peut guère courir le risque, aussi minime soit-il, de confier deux projets SI aussi majeurs que ceux-là (la comptabilité, la paie) au même fournisseur de solutions. Les coûts d’interface, certainement supérieurs dans le cas d »hétérogénéité des solutions, n’ont pas suffi à renverser la tendance.
- à en croire les acteurs concernés que j’ai rencontrés, c’est-à-dire presque tous, le projet n’est pas essentiellement technique et tout va se jouer dans la manière dont l’Etat va ou pas modifier sa gestion des ressources humaines pour tirer le meilleur parti de la solution développée. Si je suis bien entendu plutôt d’accord avec cette affirmation, je ne voudrais pas qu’on en tire trop vite la conclusion qu’il n’y aura pas d’importantes difficultés techniques: la sédimentation de la gestion RH de l’Etat depuis 1945 a conduit à la juxtaposition de plusieurs centaines (si ce n’est pas quelques milliers) de corps, grades, emplois, échelons, indices, chevrons, bonifications, etc. qui font du règlementaire de paie un écheveau que seuls quelques spécialistes de la direction générale de l’administration et de la fonction publique parviennent à démêler (du moins je le souhaite!) et qu’il va falloir pourtant traduire dans un outil SI unifié dont le développement et le paramétrage sont contraints par le temps et l’argent. Les arbitrages risquent d’être douloureux;
- cela étant dit, toutes les questions techniques trouveront leur solution et c’est donc bien le déploiement, la formation des utilisateurs et la manière dont les ministères se préparent à l’arrivée du nouvel outil qui seront déterminants. Dans un projet de cette ampleur, l’expérience tendrait à prouver qu’on n’est jamais assez attentif à la conduite du changement et les trois ans qui nous séparent de la première paie sur le nouveau système ne seront pas de trop pour concevoir les outils d’accompagnement du déploiement de la solution. Même en commençant en effet par les ministères les plus déterminés à tirer tout le parti possible du nouveau système pour l’amélioration du service rendu à leurs fonctionnaires en même temps que pour l’optimisation de leur gestion administrative des personnels, le défi est d’importance pour l’opérateur national de paie mis en place à cet effet en 2007.
Affaire à suivre donc.