Sans que je sache très bien pourquoi c’est à la lecture de cet article que s’est imposée cette comparaison avec l’ouvrage consacré par le philosophe Yves Michaud à « l’art à l’état gazeux, essai sur le triomphe de l’esthétique » (Stock, Paris, 2003 repris dans la collection Pluriel publiée par Hachette Littératures). Dans ce livre, l’auteur s’interroge notamment sur ce qu’est l’art quand celui-ci est partout et en quelque sorte nous environne à tout instant et en tout lieu, exactement comme le ferait l’air ou un gaz. Et c’est cette interrogation que je transpose à la gestion des ressources humaines. Voici comment.Les tendances que j’observe sont:
- les tâches à faible valeur ajoutée (l’administration du personnel par exemple) sont centralisées et mutualisées;
- les tâches à forte composante managériale sont réparties sur les opérationnels en contact direct avec les collaborateurs de l’entreprise;
- dans un cas comme dans l’autre, les web services (dématérialisation,automatisation et enrichissement en informations de contexte des processus RH) confèrent aux acteurs une autonomie suffisante pour s’affranchir de la relation quotidienne avec un spécialiste du domaine RH, au moins dans une majorité de cas, et par voie de conséquence il est aisé de réduire le nombre de ces professionnels RH;
- des technologies en progrès, SaaS ou cloud computing, permettent d’externaliser toujours plus ce qui est externalisable, à savoir ce qui est centralisé et mutualisé (tendance 1) ou ce qui est automatisé et dématérialisé (tendance 3);
- la pression sur les coûts de la fonction ne diminue pas et renforce donc les tendances 3 et 4;
- nombre de DRH valorisent plus leur participation au sein des comités de direction que la prééminence de leur rôle dans l’excellence opérationnelle de l’entreprise (recrutement, formation, rémunération, organisation et conditions de travail, motivation, etc.), ce qui vient conforter la tendance 3.
C’est comme cela que l’on parvient à une DRH à l’état gazeux: un DRH au Codir, le quotidien quasi déserté, les actes de gestion RH « dans le nuage »…Autrement dit, la gestion des ressources humaines c’est si peu une politique d’entreprise qu’on peut à la fois la confier à toute une série de prestataires externes (certainement très compétents, mais là n’est pas la question) et la répartir dans le management courant des équipes! Puisque nous sommes tous DRH, n’est-il pas normal que plus personne ne le soit en titre?
Pour terminer sur une note plus optimiste, quelques pistes pour inverser la tendance (j’y reviendrai):
- cultiver l’excellence opérationnelle de la fonction RH;
- prendre et conserver la main sur le contrôle de gestion sociale;
- laisser les outils à leur place véritable, c’est-à-dire subordonnée;
- s’affirmer comme le spécialiste du pilotage du changement;
- bousculer les traditions et les habitudes en innovant;
- en bref, affirmer la gestion des ressources humaines comme un véritable métier indispensable à la pérennité de l’entreprise!
Qu’en pensez-vous?
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Les tendances que vous décrivez sont bien vues !
Je nuancerai le propos en mentionnant bien évidemment les situations variables des RRH ou DRH en fonction de la taille de l’entreprise et du profil des dirigeants, en nuançant le poids effectif dans les codir, et je compléterai par le fait que même si effectivement la décentralisation est annoncée, que le DRH reste encore très opérationnel (hors grand groupe) et qu’il ou elle intervient encore très souvent en situation de « pompiers » par les biais juridiques ou administratifs … et que c’est encore moins intéressant et moins développeur de savoir-faire RH …
L’état gazeux probablement un peu officiellement, avec beaucoup de neige carbonique …
Bonjour et merci de votre commentaire.
Je fais confiance à mes lecteurs pour nuancer mon propos!
En tout cas, vous avez particulièrement raison d’attirer l’attention sur les variations qui résultent de la taille des entreprises: mes repères sont en effet issus plutôt de grandes entreprises.
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Concept intéressant !
En fait, pour faire le lien avec le « cloud computing », il s’agirait de « cloud HR » (les RH dans les nuages !).
Je pense que c’est aussi une conséquence directe de l’incapacité de nombreux professionnels des RH à ne pas démontrer la valeur ajoutée de la fonction :
– La gestion administrative ? Externalisée, logiquement, de façon croissante. J’ajoute pour ma part : tant mieux.
– Le management : par définition, c’est l’affaire des managers. Faire de la GRH de proximité, c’est leur quotidien.
Que reste-t-il à notre DRH pour exister ?
– Participer à la stratégie (s’il siège au comité de direction ! Sinon il aura le temps de se demander pourquoi il n’y est pas…),
– Piloter la fonction RH et montrer l’impact de ses actions (d’où un nécessaire contrôle de gestion sociale, comme vous dites, qui ne soit pas complètement délégué au contrôle de gestion/à la DAF),
– Etre en support du management (accompagnement du changement)
– Gérer ses différents prestataires et assurer le rôle d’intermédiaire avec l’entreprise (excellence opérationnelle),
– Etc.
Tout cela rejoint les 4 rôles du DRH identifiés par Ulrich. En théorie tout du moins. Dans les faits, je remarque que l’on passe beaucoup de temps à oeuvrer pour l’excellence opérationnelle… tout en ayant peur de l’externalisation. Je la vois plutôt comme une chance de se recentrer sur ce qui compte vraiment pour éviter de finir… tel un DRH évaporé !
Bonjour Jonathan
Même avec retard, je vous remercie de ce commentaire très complet et avec lequel je suis d’accord. Mon credo, c’est « ne pas subir » et « affirmer son professionnalisme ». C’est en jouant profil bas que l’on finit dans les nuages!
Bonne continuation.
[…] This post was mentioned on Twitter by Olivier Paradis. Olivier Paradis said: « la DRH à l’état gazeux ». http://wp.me/pF36e-3S nouveau billet sur http://www.olivier-paradis.com […]
Vos commentaires sont très intéressants. Je souhaiterai rebondir sur la nécessité du contrôle de gestion sociale piloté par la DRH. En effet, il est important que cette fonction soit exercée par la DRH dans la mesure où la problématique liée aux effectifs est leur cœur de métier. Qu’il s’agisse de la gestion de la masse salariale ou des rapports sociaux (tel que le bilan social présenté au comité d’établissement pour validation), ces deux outils doivent relever du service des Ressources Humaines.
Si l’ensemble de ses missions était repris par la DAF (dont le contrôle de gestion peut lui être imputé), comment les actions en matière de dialogue sociale seraient-elles administrées ? Il n’y aurait plus cet aspect social. Seul dominerait la vision financière.